LINGUISTIQUE, LANGUE ET LANGAGE
1. Langage et langue
La linguistique est donc [HIDE]la science qui étudie tout ce qui se réfère à la communication linguistique intrahumaine. Mais même à ce niveau deux conceptions différentes cohexistent qui sont liées à l’opposition entre deux aspects de cette communication : la « langue » (=la linguistique comme étude de la langue) et le « langage »(la linguistique comme étude du langage). Entre ces deux termes –langue et langage- il n’y a qu’une correspondance partielle ; en outre, chacun des deux connaît plusieurs acceptions.
Langage. Dans des phrases / syntagmes de ce type:
Le langage de la musique est plus universel que celui de la peinture
Le langage des fleurs est peu connu
Les hommes sont doués de langage
Le langage se fonde sur un système de signes
il est évident que le sens du mot “langage” n’est pas le même. Le premier, est un sens “philosophique” qui fait allusion à des moyens utilisés et structurés pour transmettre des idées ou des sensations, des messages non verbaux. Le deuxième a un sens semblable, mais moins générique: le langage de la musique n’est pas fait pour communiquer des idées précises, des “messages” rationnels; le langage des fleurs au contraire constitue un code symbolique précis pour transmettre des messages sentimentaux. Le troisième se réfère à la capacité que les hommes ont de communiquer entre eux grâce aux langues naturelles (voir plus bas) . Le quatrième se réfère à des caractéristiques communes à toutes ces langues. Il y aurait encore à examiner tous les emplois impropres où “langage” remplace “langue”, “parler”, etc.
>> En général, en linguistique, toutes les définitions de “langage” se réfèrent au 3ème exemple, et font allusion à la capacité de communiquer grâce à un système de signes vocaux : la langue naturelle. Ce « langage » est une faculté typique de l’espèce humaine, une sorte de principe d’organisation qui explique n’importe quelle langue existante. En tant qu’objet d’étude, c’est un objet abstrait dont o ne peut que postuler l’existence.
Langue. Le mot “langue”, lui aussi, connaît beaucoup d’acceptions : on parle de langue maternelle, mais aussi de langue familière, technique, savante, populaire, etc. qui en réalité ne sont que des “niveaux de langue” ou des “microlangues” , etc. .
En général, en linguistique, on parle de langue pour désigner le système de signes vocaux que les membres d’une communauté spécifique utilisent pour communiquer entre eux. Chaque communauté linguistique possède son propre système, qui diffère de celui des autres : de ce point de vue, les langues naturelles sont des systèmes concrets de signes par rapport au « langage » comme faculté. Mais ce sont, aussi, des systèmes abstraits qui partent de la langue orale, mais qui comprennent sa transcription, la langue écrite, les niveaux de langue, les microlangues, l’argot, etc.. et les règles subjacentes à toutes ces manifestations très variées que toutefois une communauté de locuteurs comprend et reconnaît généralement comme siennes.
La/Les Linguistiques. La linguistique étudie donc tout ce qui est lié au « langage », c.-à-d. ce qui qui est lié à la faculté de parler . En ce cas on parle surtout de Linguistique générale, qui étudie les propriétés invariantes des langues et les règles de leur évolution, indépendamment de telle ou telle autre langue particulière.
La linguistique peut étudier des langues spécifiques (leur lexique, leurs règles, leur niveaux, etc.). En ce cas, on parle de Linguistique descriptive (on peut aussi ajouter au substantif l’adjectif correspondant : linguistique française, linguistique italienne, etc.).
Les points de contact entre linguistique générale et linguistique descriptive sont nombreux, et viennent de la relation entre langage comme faculté et langue comme réalisation particulière : l’un n’existe pas sans l’autre.
Cette dépendance mutuelle est encore plus évidente dans l’approche contrastive : la Linguistique contrastive se situe concrètement entre langue et langage, linguistique générale et linguistique descriptive, car elle compare systématiquement deux ou plusieurs langues, pour mettre en relief différences et correspondances.
2. La linguistique stucturale
Ce sont F. de Saussure, et à sa suite l’école de Prague et le structuralisme (américain et européen) qui considèrent la langue comme un système de relations.
Cette notion de « système » vient des sciences naturelles, et renvoie à l’idée d’un « ensemble » structuré (une « structure » ) où chaque élément est en co-relation avec les autres. Ceci implique :
1. la présence d’un ensemble d’éléments stables, qui se définissent fonctionnellement les uns par rapport aux autres et qui sont donc interdépendants ;
2. l’existence d’un ensemble de règles stables qui régissent les relations entre ces élèments.
Dans un système linguistique déterminé, donc, les mêmes signes s’opposent toujours de la même façon dans des messages semblables.
>> “je” + verbe, p. ex., indique toujours une action, ou un état, du locuteur ; il s’oppose, p. ex., à “nous” + vrb., qui se réfère à un groupe dont le locuteur fait partie, ou à “tu” qui concerne le seul interlocuteur.
Tous ces éléments n’ont aucune valeur au-delà des relations d’équivalence et d’opposition qui les relient.
Saussure donne l’exemple du jeu des échecs : ce qui intéresse, ce ne sont pas la forme, la matière, les dimensions des pièces, mais leur nombre, les rapports entre elles et les règles qui commandent leurs possibilités de mouvement, les règles du jeu. De même, on peut pratiquer les mêmes jeux de cartes avec n’importe quel type de cartes, pourvu que leur nombre soit suffisant.
>> Cette conception de la langue est donc strictement synchronique . C’est justement Saussure qui introduit, en linguistique, le mot de « synchronie » pour l’opposer à « diachronie » les transformations de la langue, et donc de tout le système, dans le temps ne sont pas prises en compte par la linguistique structurale: elles sont l’objet de la linguistique diachronique, de la glottologie et de la philologie.
3. Description structurale et description traditionnelle de la langue
La structure est une abstraction : on ne « voit » pas les règles . Toutefois, la structure a des caractéristiques et des effets concrets :
1. elle forme une totalité autonome où ce qui importe ne sont pas les “ qualités ” des éléments qui la composent, mais, comme on l’a dit, les “ relations ” entre un élément et l’autre.
2. La structure concerne la totalité de la langue ;
3. elle est capable d’autorégulation ; les transformations qu’elle subit tirent leur origine d’elle-même et restent dans son sein. Ces transformations sont aussi bien synchroniques que diachroniques, même si la linguistique structurale décrit la structure seulement sur le plan synchronique.
• Description structurale de la langue et antimentalisme: la description de la langue, pour la linguistique structurale, se fonde justement sur la description de la structure. Cette description peut varier selon le point de vue des différents linguistes : Saussure ne s’intéressait qu’aux unités minimales ; Bloomfield met l’accent sur le rapport stimulus-réponse, etc. Le point commun de toutes ces descriptions ont est leur position anti-aristotélicienne (=critique de la grammaire traditionnelle). Bloomfield (Ecole de Yale) parle à ce propos d’antimentalisme.
Antimentalisme: Saussure avait défini le mot comme une image acoustique associée à un concept. Bloomfield: 1. qu’est-ce qu’un “ concept ” ? 2. qu’est-ce qu’une “ image acoustique ” ? (=mentale ?)
C e sont là des question qu’il faudrait poser à des philosophes / psychologues / neurophysiologistes, et non à des linguistes, qui n’ont pas les moyens de les résoudre. Il n’est pas possible d’expliquer une chose obscure (“ qu’est-ce qu’un mot ? ”) par une chose encore plus obscure (qu’est-ce qu’une idée ? ou la pensée ?). Le linguiste doit considérer le langage seul, abstraction faite de tout ce que l’on croit savoir dans d’autres domaines. Le langage est un instrument de communication, et on devra en étudier le fonctionnement en tant que tel.
Description traditionnelle : Comme, pendant 2000 ans, suivant les théories aristotéliciennes, le langage est l’expression de la pensée , la grammaire traditionnelle se fondait à la fois sur des catégories logiques et empiriques. On acceptait par exemple les notions de lettre et de mot, nées de l’écriture, qui sont empiriques, et la notion de phrase, qui vient de la Logique d’Aristote (notion logique fondé sur le sens “fini”). Ces bases hybrides avaient porté, en un siècle d’analyses linguistiques de plus en plus “scientifiques”, à plus de 400 définitions pour le mot, et de 200 pour la phrase