Le français face à l'anglais et face à des langues minoritaires
Discussion avec Mutur Zikin sur la situation du français face à l'anglais et face à des langues minoritaires :
Bonjour,
votre site est très intéressant et pose de nombreuses questions (que je me pose aussi!).
Cependant, votre diagnostic sur la mort du français me semble erronné, du moins pour l'instant. On ne change pas la langue d'un pays à coup de décret, c'est tout à fait vrai (d'ailleurs, savez-vous qu'aux Etats-Unis, à l'indépendance, ils ont failli opter pour l'Allemand car près de la moitié de la population le parlait ?), mais cela s'applique aussi au français si on le considère comme une langue minoritaire ; en effet, des millions de personnes en France n'ont pas besoin de l'anglais pour leur vie de tous les jours, seuls ceux travaillant à l'international avec des anglophones en ont vraiment besoin.
En ce qui concerne l'Afrique : effectivement, beaucoup de gens doivent parler français et se dire qu'ils pourraient tout aussi bien parler anglais. Encore faut-il s'en donner les moyens et le poids de l'habitude est fort. Au Rwanda, c'est d'autant plus facile que tous leurs voisins sont anglophones, c'est exact. Mais en Algérie, le pays a beau avoir voulu imposer l'arabe dialectal à toute sa population, le français a réussi à se maintenir car il y a une "demande" de la population (paraboles), une habitude de parler français, des universités qui fonctionnent en français. Même les élites envoient leurs enfants dans des lycées français tout en critiquant la France (jusqu'à 2007 en tout cas, où Bouteflika a adouci le ton).
La situation du Québec, que vous devez bien connaître, est différente, il est vrai, car un grand espace anglophone entoure le Québec. C'est donc la langue de dialogue avec l'extérieur par excellence, et c'est normal. Mais comme vous le dîtes : connaître le français et apprendre l'anglais, c'est très bien.
Ensuite un facteur joue partout : les institutions telles que l'école, les entreprises, etc... ont leur vie dans une langue. Les personnes qui s'y intègrent ne peuvent obliger tous les cours ou le travail à se dérouler dans leur langue d'origine, sauf par la force bien sûr.
Ensuite, j'aimerais faire remarquer que l'histoire est un ensemble d'aller et venue entre la diversité et l'uniformité : regardez l'empire romain qui avait imposé le latin dans beaucoup d'endroit. Il est resté dans certain (Portugal, Espagne, Italie, France) mais s'est diversifié, dans d'autres il a été effacé par d'autres langues. Des spécificités naissent dans des endroits homogènes et l'histoire trouve toujours des petits détours amusants. L'anglais semble être la langue dominante (et c'est d'autant plus vrai depuis la fin de la guerre froide), reflet de la puissancfe économique et politique de ses locuteurs. Mais déjà on voit poindre le chinois. Bien sûr, on parle de langues internationales à chaque fois, et cela touche une élite et non pas une vaste population. Toute l'Europe (des élites) parlait le français au XIXe siècle, même le tsar parlait en français avec son entourage, qu'en reste-t-il ? L'histoire a plus d'un tour dans son sac.
En ce qui concerne le français en Europe, il est assez mal en point au niveau du nombre de locuteurs mais est dans une situation tout à fait enviable pour l'avenir : 15 des pays membres de l'Europe appartiennent à la francophonie et ses capitales sont toutes francophones : Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg. De plus en plus de fonctionnaires européens apprennent le français, qui est lui-même la première langue étrangère apprise dans les îles britanniques.
Quant à la diversité, on a parfois peur de l'uniformisation mais on se rend compte que dans le réel, la situation est beaucoup plus complexe : retour de la langue galloise au Pays de Galles après 800 ans en position de minorité linguistique, affirmation linguistique et politique du catalan, etc... et même lorsqu'il n'y a pas de diversité, celle-ci se crée : guerres civiles, effondrement des empires (union soviétique qui écrasait tous ses sattelites et que l'on pensait voir durer encore longtemps dans les années 80), affirmation des particularismes, et